Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/205

Cette page n’a pas encore été corrigée

des aveux, ils m’empoigneraient… Ah ! non… pas de juges… pas de gendarmes… pas de police ici !… Rien… Rien qu’un peu de terre sur ce pauvre petit cadavre, un peu de mousse sur la terre, et le silence, le silence, le silence… sur tout cela !

Je pris la robe effrangée et boueuse, les jupons en guenilles, et j’en enveloppai, comme d’un suaire, le corps de la petite inconnue… Puis, après avoir vérifié que tout, dans le pavillon, était clos hermétiquement, clos aux curiosités indiscrètes ou fortuites de mes domestiques, je sortis. Durant toute la journée, j’errai autour du pavillon, attendant que la nuit vînt.

Ce soir-là, c’était la fête du village. J’y envoyai mes gens, et quand je fus seul, bien seul, je me mis à ensevelir la petite dans le parc, profondément, au pied d’un hêtre…

Oui ! oui ! Le silence, le silence, le silence, et la terre, la terre, la terre sur tout cela !…

Deux mois après, dans le parc Monceau, je rencontrai Jean-Jules-Joseph Lagoffin. Il avait toujours la même peau molle, le même regard mort, la même perruque d’un blond verdâtre. Il suivait une petite bouquetière qui vendait aux passants des fleurs de soleil. Près de moi, un sergent de ville se dandinait en regardant une bonne… Mais la stupidité de son visage me fit rebrousser chemin… Je prévis les complications inextricables, les quoi ?… les qu’est-ce ?…