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— Ma femme, dit-il… mais elle est morte, mon vieux… il y a deux ans. Une congestion pulmonaire l’emporta… trop tard, hélas ! car c’est à celle que je dois tous mes malheurs… Elle ne put jamais rien comprendre à la politique…

Ces souvenirs l’avaient sans doute attristé… Il s’assit près de moi, prit un journal… et se tut…

Moi je pensais au passé… au passé de Parsifal… et je le revoyais, ce brave Parsifal… quand un matin de novembre, je me rappelle, il était entré chez moi, pâle, défait, et me suppliant de le sauver… Il était alors député du Nord-Nord-Ouest… Je le reçus amicalement, comme de coutume, et avec un sourire opportuniste, car j’était depuis longtemps habitué à ses façons d’agir :

— Encore une crapulerie, sans doute ? fis-je.

— Naturellement, répondit Parsifal… Quoi d’autre pourrait m’amener chez toi, à cette heure ?

— Eh bien ! parle.

Car je le tutoie. Je le tutoie, bien qu’il ne soit pas, à proprement dire, mon ami. Non. Mais il est quelques chose de pire. Il m’a été légué par Gambetta dans des circonstances que je vais conter, et vous devez comprendre qu’un legs de Gambetta est sacré pour moi, bigre ! Au moment de mourir, Gambetta me fit appeler, et voici ce qu’il me déclara, d’une voix qui avait déjà le lointain de la cantonade, de la dernière cantonade :