« Le directeur marchait dans la pièce en agitant les bras, et répétant :
» – Qu’est-ce qu’il lui faut ?… Non, mais le voilà buté… Ah ! ces sacrés grands artistes !… tous les mêmes…
« Après quelques secondes de silence émouvant, pendant lesquelles l’angoisse lui serrait la gorge, le père Plançon dit d’une voix douce et résignée :
» – Eh bien, soit, monsieur le directeur… Seulement, voilà… Je vais vous demander une grâce, une toute petite grâce que vous ne pouvez pas me refuser.. Le jour de ma représentation de retraite… je voudrais, eh bien oui, là… je voudrais jouer le petit vicomte…
« Le directeur sursauta :
» – Vous êtes fou, archifou, s’écria-t-il. Mais c’est impossible… Le petit vicomte ?… Un sale rôle, une panne, indigne de votre talent… Non pas… jamais je ne permettrai ça… Je veux que vous fassiez dans le public une impression inoubliable, mon père Plançon, entendez-vous ?… Je veux que dans cinquante, cent, trois cents ans, on dise : « Il n’y avait que le père Plançon pour lancer : “Madame la comtesse est servie ! ” » Mais c’est votre gloire que je défends contre vous-même… Oh ! les cabots, les cabots, les sales cabots !… On leur apporte le succès évident, l’acclamation certaine, dix, quinze, vingt rappels… et la fortune par-dessus le marché… Et ils aiment mieux courir je ne sais quelles stupides aventures…