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importance qui s’harmonisait le mieux du monde avec toute sa personne et relevait d’une pointe de comique douloureux l’aspect de sa pauvreté. Comme il était fort peu rétribué à son théâtre, il avait, pendant longtemps, adjoint à ses nobles fonctions de figurant le métier de fabricant de perruques, dans lequel, jadis, il se montrait habile et d’une impeccable honnêteté. Malheureusement, ce métier lui étant devenu trop difficile et pas assez lucratif, il l’avait abandonné.

» – C’est dégoûtant, disait-il… On ne trouve plus que des cheveux noirs, et des cheveux de juive, encore… Il n’y a plus, nulle part, de cheveux blonds… et vraiment français… Et, vous savez, les cheveux noirs, décolorés, et les cheveux étrangers, ça se travaille mal… ça n’est pas mousseux… ça n’est pas souple… ça n’est pas ça, quoi !… Les dames ne veulent plus de mes perruques, et, ma foi, elles ont raison… Ça n’est plus des perruques…

« Il faut dire aussi que sa main commençait à trembler ; ses doigts s’engourdissaient sur les têtes de carton. Il ratait toutes ses perruques, lesquelles lui restaient pour compte. Alors, il s’était fait agent d’assurances. Mais il n’assurait pas grand-chose, le pauvre vieux Plançon… Et c’était toujours la misère.

« Le père Plançon s’assit en face de son directeur, selon les règles de la plus stricte mise en scène. Le corps penché en avant, les jambes écartées