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pas… ou ne savait rien… on ne pouvait me dire quoi que ce soit… Quelques-uns m’engageaient à parler tout bas, à ne pas parler du tout, à rentrer chez moi, gaiement… Dans ma détresse, je pensai à solliciter une audience de l’empereur… Il était bon, il m’aimait. je me jetterais à ses pieds, j’implorerais sa clémence… Et puis, qui sait ?… cette sombre justice accomplie en son nom, il l’ignorait peut-être, il l’ignorait sûrement !…

« Des officiers de mes amis, à qui j’allai demander conseil, me détournèrent vivement de cette idée :

» – Il ne faut pas parler de ça… il ne faut pas parler de ça… Cela arrive à tout le monde. Nous aussi, nous avons des sœurs, des amies, qui sont là-bas… Il ne faut pas parler de ça…

« Afin de me distraire de ma douleur, ils m’invitaient à souper, pour le soir… On se griserait de champagne, on jetterait des garçons de restaurant par les fenêtres… On déshabillerait des filles…

» – Venez donc… mon cher, venez donc…

« Braves amis !…

« Ce n’est que le surlendemain que je pus joindre le directeur de la police. Je le connaissais beaucoup. Souvent, il me faisait l’honneur de me visiter, au théâtre, dans ma loge. C’était un homme charmant et dont j’admirais les manières affables, la conversation spirituelle. Aux premiers mots que je lâchai :

» – Chut ! fit-