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interrogea Dickson-Barnell. « – Débrider le ventre largement… laver les intestins noyés de sang… recoudre… » « – Je vois… je vois… », interrompit vivement le blessé… Et, rapidement, il questionna : « – Combien de chances, avec opération ? » « – Deux sur dix. » « – Très bien… Combien de chances sans opération ? » « – Aucune. » « – Opération… » Cela avait été dit sans un geste, sans une plainte, sans un frisson de terreur, avec une tranquillité aussi parfaite que s’il se fût agi d’un achat de grains ou d’un ordre de Bourse. Mais, si brefs qu’ils fussent, les mots le fatiguaient, et puis il n’avait plus rien à dire. Quelques instants, il demeura silencieux, la physionomie calme sous le bandage qui lui entourait le crâne… Le chirurgien vint qui examina, à son tour, les blessures attentivement, et, après un court colloque entre les deux hommes de science, Dickson-Barnell demanda : « – Il me faut une demi-heure, avant… Puis-je ?… » « – Parfaitement, consentit le docteur… C’est le temps nécessaire aux préparatifs. » « – Très bien !… Master Winwhite ?… Mon testament, please ?… » Master Winwhite retira du tiroir d’un meuble une large enveloppe cachetée de six cachets rouges, qu’il remit au mourant. Et durant que les médecins et leurs aides stérilisaient rapidement la pièce voisine et y dressaient le lit de torture, Dickson-Barnell relut son testament, raya des paragraphes, rédigea des dispositions nouvelles,