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et vit des souris qui grignotaient les noix. Immédiatement, il en conclut que les souris naissaient des noix avec une spontanéité extraordinaire, et il porta cette bonne nouvelle aux Académies d’Europe enthousiasmées. Hélas ! presque toutes les expériences scientifiques présentent cette valeur-là : qu’elles sortent des bouillons de culture contemporains, ou des mystérieux athanors du moyen âge, elles sont toujours le mensonge, du moins au dire des Jésuites, les meilleurs éducateurs qui soient. Dans quelques années, nos fils riront des microbes de Pasteur comme nous rions des souris spontanées de Van Helmont, et les localisations cérébrales du docteur Charcot leur paraîtront, peut-être, des cocasseries plus inacceptables que l’homuncule d’Arnaud de Villeneuve et les crapauds essentiels de Brandt. Experientia fallax, comme disait le vieil Hippocrate.

Cet après-midi, je suis allé me promener, avec mon ami Robert Hagueman, dans un bois… un ancien parc abandonné qui se trouve situé à quelques kilomètres de la ville, en un endroit de la vallée où, lasse de n’être qu’une fissure dans la montagne, elle s’élargit au point de donner l’illusion d’une petite plaine… Le bois, redevenu libre, presque vierge, est délicieux de silence et de fraîcheur. Des fleurs de toute sorte y poussent, jaunes, rouges, bleues, roses, et l’on voit enfin le ciel entre les branches.