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» – Est-ce vrai, docteur, qu’il y a du fer dans le sang ?

» – C’est vrai…

» – Ah !… je ne voulais pas le croire… Et comme la nature est compliquée !

« Le vieux baron avait la lèvre tremblante et un peu baveuse. Ses yeux étaient presque morts… Et la peau de son cou faisait, sous le menton, comme une lâche cravate de chair molle. Il réfléchit un instant, puis : » – Il n’y en a pas beaucoup… beaucoup ?… fit-il.

» – Ah ! dame !… répondis-je. Ça n’est évidemment pas une mine… comme celles de l’Ariège…

» – Qu’entendez-vous par là ?…

» – Je veux dire que, du sang d’un homme, on ne tirerait pas assez de fer pour – comment vous exprimer cela ? – pour construire, par exemple, une seconde tour Eiffel… Comprenez-vous ?

» – Oui !… oui !… oui !…

« Et le vieux baron rythma chacun de ces : « Oui… » d’un mouvement de tête approbateur et découragé… Il ajouta :

» – D’ailleurs, je n’en demande pas tant…

« Puis, après un court silence :

» – Ainsi, vous croyez qu’on peut extraire du fer… un peu de fer… de mon sang ?… de mon sang ?

» – Hé !… Pourquoi pas ?…

« Le baron sourit, et il demanda encore :

» – Croyez-vous aussi qu’il y ait de l’or, dans le sang ?