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amitié, comme vous pourriez le croire, mais parce qu’ils avaient jugé que je pouvais leur être très utile… Et puis, j’ai vraiment des dispositions particulières pour jouer les confidents de… comédie…

Lucien était pauvre à l’époque dont je parle, n’ayant pas encore eu l’occasion de livrer aux puissances étrangères les secrets – les fameux secrets de Polichinelle – de nos armements, et les plans de notre Immobilisation. De plus, il ne possédait qu’une misérable chambre, dans un triste hôtel meublé de la rue des Martyrs, quartier démodé, peu propre aux amours de ce genre…

— Tu comprends, me disait Lucien, je ne puis vraiment pas recevoir mon amie chez moi… C’est ignoble, chez moi. Des meubles en reps grenat, des fauteuils boiteux… Et si tu voyais mon lit… si tu voyais mon armoire à glace… Élégante, habituée au luxe, à tous les luxes, comme elle est, elle aurait vite fait de me lâcher… Il faut un joli cadre à l’amour !… Pense, mon cher, que je n’ai même pas de piano, et que les œuvres d’art qui décorent les murs de ma chambre ne sont que d’affreux chromos : Le Retour du Marin, La Remise des Drapeaux, un Lièvre pendu par une patte, ce qui ne doit rien suggérer à l’âme confortable et passionnée d’une femme qui possède, chez elle, des Maurice Denis – car elle est très religieuse – et qui s’est fait faire son portrait par Boldini – car elle est très… parfaitement !… C’est si bête de n’