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heures, le lac de Genève, de Territet à Genève… Oui, moi… moi… moi !!…

Ai-je besoin de vous dire que ce monsieur était un vrai Français de France ?

La musique des Tsiganes m’empêcha d’en entendre davantage, car il y a aussi la musique des Tsiganes… Vous voyez que c’est complet…

Alors que puis-je faire de mieux, sinon vous présenter quelques-uns de mes amis, quelques-unes des personnes que je coudoie ici, tout le jour ? Ce sont, pour la plupart des êtres, ceux-ci grotesques, ceux-là répugnants ; en général, de parfaites canailles, dont je ne saurais recommander la lecture aux jeunes filles. J’entends bien que vous direz de moi : « Voilà un monsieur qui a de drôles de connaissances », mais j’en ai d’autres qui ne sont pas drôles du tout, et dont je ne parle jamais, parce que je les chéris infiniment. Je vous prie donc, chers lecteurs, et vous aussi, lectrices pudiques, de ne pas m’appliquer le célèbre proverbe : « Dis-moi qui tu hantes… » Car ces âmes dont je vous montrerai les physionomies souvent laides, dont je vous raconterai les peu édifiantes histoires et les propos presque toujours scandaleux, je ne les hante pas, au sens du proverbe… Je les rencontre, ce qui est tout autre chose, et n’implique de ma part aucune approbation, et je fixe cette rencontre, pour votre amusement et pour le mien, sur le papier… Pour le mien !…