Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

stations balnéaires, qui sont les seuls endroits du monde où se révèle encore l’action, si contestée ailleurs, de la divine Providence.

J’ai depuis quelques jours pour voisin de chambre, à l’hôtel un monsieur d’aspect assez triste, ou plutôt très effacé… Quoique ses cheveux soient tout gris, gris comme son visage et comme son veston et, sans doute, comme son âme… quoique son dos se voûte et que ses jambes flageolent, on ne le sent pas très vieux… Il semble gauche, et maniaque… J’avais remarqué que, plusieurs fois, au dîner, dans la cour de l’hôtel, à la promenade, il m’observait avec une curiosité persistante… Cela m’agaçait, bien que dans l’expression de ses yeux, lorsqu’il me regardait, je n’eusse rien vu de personnellement hostile… Je me disposais néanmoins à faire cesser cet état de choses, violemment, quand, hier, le monsieur fit, soudain, irruption dans ma chambre…

— Excusez-moi… me dit-il… mais c’est plus fort que ma volonté… Il faut que j’en aie, enfin, le cœur net… Vous connaissez, particulièrement la marquise de Parabole… Je vous ai souvent, très souvent, rencontré avec elle, au théâtre… au restaurant…

— Je l’ai connue, en effet… répliquai-je, froidement.

Et je crus devoir ajouter niaisement :

— En tout bien… tout honneur…