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ne savons plus prendre des résolutions énergiques… Pour les nègres, mon Dieu !… passe encore… Ça ne fait pas trop crier qu’on les massacre… parce que, dans l’esprit du public, les nègres ne sont pas des hommes, et sont presque des bêtes… Mais si nous avions le malheur d’égratigner seulement un blanc ?… Oh ! la ! la !… nous en aurions de sales histoires… Je vous le demande, là, en conscience… Les prisonniers, les forçats, par exemple, qu’est-ce que nous en fichons ?… Ils nous coûtent les yeux de la tête, ils nous encombrent et ils nous apportent, quoi ?… quoi ?… Voulez-vous me le dire ?… Vous croyez que les bagnes, les maisons centrales, tous les établissements pénitentiaires ne feraient pas de merveilleuses et confortables casernes ?… Et quel cuir avec la peau de leurs pensionnaires !… Du cuir de criminel, mais tous les anthropologues vous diront qu’il n’y pas au-dessus… Ah ! ouitche !… Allez donc toucher à un blanc !…

— Général, interrompis-je, j’ai une idée… Elle est spécieuse, mais géniale.

— Allez-y !…

— On pourrait peut-être teindre en nègres les blancs, afin de ménager le sentimentalisme national…

— Oui… et puis…

— Et puis, on les tuerait… et puis, on les tannerait !…

Le général devint grave et soucieux.