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d’une vie plus noble, d’une profondeur plus mystérieuse, d’un amour de la nature plus âpre et en quelque sorte plus divinisé, qu’ils laissent au cerveau plus de pensées, au cœur plus d’émotions, que les paysages de M. de Maupassant, admirables aussi, mais où l’âme de la nature et la vérité humaine ont passé à travers une sécheresse et un scepticisme d’analyse qui les diminuent, les rapetissent au lieu de les grandir. M. de Maupassant, à force d’analyse et de détails, arrive à représenter exactement les êtres et les choses ; M. Hervieu nous les montre dans des raccourcis qui les fixent définitivement, en même temps qu’ils leur donnent des prolongements : cette sorte de mystère et d’inquiétude qui flotte autour de la vie.

Mais on perdrait son temps à vouloir démontrer au public qu’il peut y avoir place, pour d’autres écrivains, à côté de M. de Maupassant. C’est une opinion qui n’aurait aucune chance d’être admise, et les meilleurs raisonnements du monde, et les faits les plus éclatants, n’y pourraient rien. On ne revient pas facilement sur les idées universellement admises, et chacun des hommes de lettres porte toujours la marque des impressions premières et des premiers jugements. Aussi M. de Maupassant est un conteur. Il aurait beau s’élever par une œuvre pleine de souffle, jusqu’aux sommets de l’art ; il pourrait aujourd’hui nous donner un roman éclatant de force, une comédie sublime, il ne sera jamais qu’un conteur. La critique — j’entends celle