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Maupassant mérite une place enviable, à côté de ses maîtres, mais il comprend qu’il a encore des efforts à tenter, et des œuvres à donner, pour sauter les bancs de l’élève, à la chaire du maître. Les œuvres, il les donnera, j’en suis convaincu ; le maître, il le sera. Il faut seulement que quelques années aient passé.

En attendant, le conte lui appartient, le conte est sa propriété exclusive, et cette propriété en vaut une autre, quand on la sait cultiver. Boccace, La Fontaine, Voltaire revivraient de nos jours, qu’ils n’auraient aucune chance d’arriver à la célébrité et qu’ils seraient condamnés à n’être que de très petites gens devant M. de Maupassant. Notez que je parle sérieusement, et que c’est avec une conviction profonde que je déclare que M. de Maupassant crée, dans ce genre, des chefs-d’œuvre immortels et qui ne périront pas : Boule de Suif, le Cochon de Morin, Le Retour, À cheval, Pierrot, sont d’admirables, d’incomparables choses, destinées à rester comme des modèles, dans notre littérature française, éternellement.

Je pense, néanmoins, qu’on rend un assez mauvais service au jeune écrivain, en disant chaque jour, qu’hormis ce qu’écrit M. de Maupassant, il n’est rien qui vaille et je suis persuadé qu’il est le premier à en être confus et affligé. Ces emportements de la mode ont cela de terrible qu’ils ne peuvent durer, et plus les éloges ont été exagérés, plus l’indifférence arrive, un jour, irréparable et profonde. D’ailleurs,