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clame et des avidités d’argent. Il lui est interdit d’aspirer à un idéal artiste, qu’il juge supérieur à celui des autres ; il ne peut avoir une préférence ou marquer un dégoût, on lui refuse le droit de se défendre quand il est, de toutes parts, vilainement attaqué, non seulement dans les réalisations, mais dans les intentions de son œuvre ; on lui refuse surtout le droit d’être riche et illustre. Et il faut que cet homme se laisse béatement exploiter, voler, calomnier, vilipender. S’il pousse un cri, alors ce n’est que de la vanité ou le besoin pervers de faire retentir son nom sur la foule des imbéciles et des gobe-mouches. Car enfin, pourquoi ? Qui donc les luttes littéraires passionnent-elles encore ? Ne savons-nous pas que l’art a, depuis longtemps, abdiqué sa souveraineté aux mains des agioteurs et des croupiers, et que, chassé des temples où brûle la lampe sacrée, il se réfugie dans les banques où luit le chiffre d’or ?

La haine qui, à travers beaucoup d’admiration, je m’empresse de le dire, poursuit encore M. Zola, est facile à connaître et à déterminer. Elle vient de son grand talent, d’abord, car les médiocres ne pardonnent pas aux forts d’être des forts ; elle vient ensuite de ce que M. Zola s’est poussé tout seul dans la vie. Car c’est la jouissance égoïste des médiocres de s’imaginer qu’ils sont pour quelque chose dans la gloire d’un écrivain et de s’écrier en chœur :

« C’est moi qui l’ai découvert. » Or le malheur veut que M. Zola se soit découvert lui-