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vaincre, une fois de plus, et très nettement, que, si le politicien est l’ennemi-né du littérateur, le journaliste ne le cède en rien, sur ce point, au politicien. Je ne veux pas approfondir aujourd’hui cette question ; je me borne à l’indiquer.

Ce qui m’a frappé surtout, dans ce qu’on a écrit à propos de Germinal, c’est la haine que la critique bourgeoise et distinguée garde toujours contre M. Zola. Elle ne s’exprime plus de la même façon que jadis ; elle met des gants, se pique une fleur à la boutonnière, et daigne sourire entre deux grimaces. Pour avoir changé de manières, pour avoir rentré ses vieilles pattes d’oie sous des manchettes de dentelle, croyez-moi, elle est restée tout à fait la même, c’est-à-dire tout à fait féroce. Ce n’est plus le temps où elle représentait M. Zola comme une sorte d’être farouche et dangereux anarchiste de l’art, écrivant au haut d’une barricade, avec de la dynamite. Non, elle le dépeint aujourd’hui avec un toupet de filasse sur le crâne, une grosse caisse entre les jambes, et s’égosillant, à la parade, pour appeler les badauds dans sa baraque. Du révolté noir de poudre, elle a fait un pitre barbouillé de fard. La bonne foi, vous le voyez, n’a pas changé ; le costume seul diffère.

C’est une chose curieuse vraiment qu’un homme ne puisse plus, maintenant, confesser une foi littéraire, combattre pour une idée, parce qu’il la croyait juste, belle et féconde, sans qu’on l’accuse d’être mû par des désirs bas de ré-