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en quelques lignes ? Et n’est-ce pas, ici, plutôt un cri perdu, une inutile acclamation, qui disparaissent dans la pieuse et immense rumeur des foules ? Essayer de fixer quelques traits de cette personnalité qui fut un monde, et dont chacun exigerait des volumes et des poèmes, n’est-ce point une tentative folle ? L’œil est petit et il embrasse des lieues, a dit le poète. L’admiration aussi est petite, et elle n’embrasse pas souvent, hélas ! le génie.

Victor Hugo est né avec ce siècle qu’il devait remplir, à lui seul, d’une gloire ineffaçable. Fils d’un général d’Empire, Léopold-Sigisbert, comte Hugo, sa vue d’enfant fut frappée de tout l’éclat militaire de cette époque. Il assista aux revues empanachées, au retour des armées victorieuses, au défilé des drapeaux conquis, des canons vaincus qui baissent leur gueule de bronze. Il vit dans la cour des Tuileries s’embarrasser les carrosses de tous les souverains d’Europe vassale. Et son esprit reçut le premier éblouissement de l’homme mystérieux et pâle qui faisait trembler la terre, du « passant formidable » qu’on voyait aller et venir dans la tempête, de Napoléon. On peut dire que Napoléon fut le vrai père de Victor Hugo. Le poète est né de cette épopée. Et il est resté, jusqu’au bout, malgré les haines criminelles, malgré le criminel exil, fidèle à son