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voit point mêlé aux groupes bien pensants où trône M. Sarcey et au-dessus desquels flottent comme un drapeau les cheveux de M. Lapommeraye. Et puis, l’on m’a dit qu’il avait, aux premières représentations, une façon d’être et d’écouter tranquille et solitaire qui manquait du goût parisien le plus élémentaire et ne pouvait, par conséquent, le ranger au nombre des Tout-Paris.

Enfin il a le mérite rare et curieux de penser par lui-même, de penser juste, de savoir beaucoup et d’écrire ce qu’il pense et ce qu’il sait en un style brillant, spirituel et élevé.

Je n’étonnerai donc personne en disant que M. Bourges professe pour le théâtre d’aujourd’hui le plus souverain mépris. Il est sans pitié pour les imaginations aliénistes du dramaturge à la mode, et les succès de commerce ne lui disent rien qui vaille. Nul ne montre mieux que lui le vide effrayant de ces œuvres applaudies et leur incurable imbécillité. Il sait démonter, avec un art d’ouvrier habile, toutes ces pièces chétives, dont le mécanisme enfantin et rouillé grince horriblement sous ses doigts impitoyables. Des fétiches adorés par la foule, il fait un petit monceau de poussière, et il arrache de leur piédestal les statues glorieuses élevées par la toute-puissance de la réclame à la toute-puissance de la bêtise.

Comme il ne se sert, pour son œuvre de saine démolition que de bons et solides arguments ; comme les lettres mystérieuses, les