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M. Élémir Bourges, qui est un des meilleurs chroniqueurs du Gaulois, a écrit, pendant deux ans, le feuilleton dramatique au Parlement, lequel, ayant plus de tenue que de tirage, a disparu un beau matin. C’était le seul journal, assez peu inféodé au monde du théâtre, et assez peu gourmand de places gratuites, pour assurer à son critique la pleine liberté de ses appréciations. Il est peu probable qu’aucune feuille, parisienne ou non, politique ou littéraire, ait le courage, en s’attirant M. Bourges, de s’attirer en même temps la haine des directeurs et la mauvaise volonté des secrétaires généraux. Car M. Bourges n’est point le critique ignorant et soumis tel que l’a fait la perversion du théâtre moderne ; c’est le critique indigné et savant, tel que le créent la solide éducation littéraire et le respect de soi. Je jurerais que M. Bourges n’a jamais mis les pieds dans les coulisses d’un théâtre, qu’il ne connaît ni un acteur, ni un secrétaire, ni un directeur, ni un librettiste, qu’il n’a fait la cour à aucune étoile d’opérette, de drame ou de comédie, et qu’il dédaigne d’apparaître aux banquets de la critique, ces banquets que préside M. Auguste Vitu, et auxquels feu Scribe doit sourire, du haut des cieux, sa demeure dernière. J’imagine qu’il pousse l’ignorance de sa profession jusqu’à rester inconnu des ouvreuses et des contrôleurs, et qu’on ne le