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un enterrement bien ridicule, et il est regrettable qu’il ne l’ait pas vu, de son vivant, car j’imagine qu’il s’en fût cruellement moqué, lui qui se moquait de tant de choses moins tristes et moins ridicules. Des jeunes filles, costumées en Alsaciennes, avec des cocardes tricolores, suivaient le convoi ; il y avait aussi un détachement de la Ligue des Patriotes ; le tout, couronné par un discours de M. Siebecker, qui a déclaré une fois de plus la guerre à l’Allemagne, et reconquis l’Alsace, comme il convient. Que les patriotes viennent hurler autour des statues de la place de la Concorde, qu’ils outragent des drapeaux flottants à des fenêtres d’hôtel, qu’ils se révoltent contre les brasseries où l’on mange des choucroutes, c’est au mieux. Mais vraiment, ils devraient bien respecter la mort pacifique et ne point venir troubler des tombes. C’est une chose curieuse et navrante à la fois, que quatre patriotes ne puissent plus maintenant se rencontrer quelque part, sans que des scandales s’ensuivent, et qu’il faille dans les cérémonies publiques les éviter, comme dans les foules, on évite les bravaches et les chercheurs de querelles.

Il est vrai qu’ils étaient, à cet enterrement, très à leur aise, et fort peu gênés de compromettre la dignité de quelque chose, puisqu’il n’y avait rien, puisqu’on n’avait trouvé rien de mieux que les patriotes, qui hurlent et bataillent, pour remplacer le prêtre qui chante des prières et murmure des consolations. C’est sans