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que contenait sa cabane, voulut combattre l’incendie, comme il avait combattu les voleurs ; mais le feu gagnait, dévorant tout, et la toiture enflammée s’effondra sur lui. Meurtri, sanglant, les chairs brûlées, mais encore vivant, il s’arracha de dessous les décombres. Les Arabes avaient fui, et personne ne venait. Il appela, aucune voix ne répondit. Ses cheveux et sa barbe étaient grillés, sa main entièrement brûlée. Il se traîna pourtant, le pauvre vieux, eut la force de marcher pendant deux kilomètres et, succombant à la douleur, à l’épuisement, il s’écroula sur la terre et s’évanouit.

Durant trois mois, il demeura à l’hôpital, alité et mourant. Mais sa constitution était si robuste qu’on parvint à le sauver et à le guérir. Quand il fut sur pied, le gouverneur ordonna qu’on lui remît cinquante francs, et, comme il n’avait plus de masure où se loger, qu’il s’en allât à la grâce de Dieu.

Le garde sollicita une audience du gouverneur, qui la fit attendre très longtemps. On voyait le pauvre diable venir tous les matins au palais et repartir tous les soirs sans que M. Tirman eût le loisir de le recevoir.

— Comme c’est long dans ces baraques, disait-il en hochant la tête. Qu’est-ce qu’ils fichent là-dedans ?

Enfin, on l’introduisit auprès du fonctionnaire républicain.

— Que voulez-vous ? demanda M. Tirman. On vous a donné cinquante francs.