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en vient, il les cache soigneusement, ce qui fait dire partout qu’il a l’oreille du ministre. Aussi l’entoure-t-on beaucoup et son prestige est-il énorme. Les demandes d’emploi pleuvent chez lui ; on s’adresse à lui pour mener à bien de petites intrigues malpropres, égayées de pourboires ; il a souvent en main des affaires dont il essaie de tirer de grasses commissions. Mais son crédit est plus apparent que réel, et il n’ose pas l’user pour les autres, parce qu’il peut en avoir besoin pour lui-même. Et puis, tout n’est pas rose dans ce métier. Le ministre n’est pas toujours aimable ; il a des impatiences qu’il faut savoir supporter, des fantaisies auxquelles on doit se plier silencieusement. Il faut que le dos et l’échine soient prêts aux coups comme aux caresses ; il est indispensable de recevoir une bourrade, de la même façon gracieuse qu’on reçoit un compliment. Maginard est fort habile en cet art et il ne sent pas le rouge lui monter parfois au visage. C’est à ces moments difficiles que son génie de pleutre et de courtisan éclate, et qu’il trouve des servilités admirables qui font tomber tout à coup la colère du ministre.

La politique ne suffit pas à Maginard, car il comprend qu’il faut mettre entre le ministre et lui un lien plus fort, moins facile à rompre et qui, rompu, laisse des traces bonnes à montrer plus tard. Des services politiques il descend volontiers aux services privés. S’il pouvait habiller le ministre, lui passer ses chaussettes, lui vernir ses bottines, lui brosser ses habits. Mais