Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/42

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ne désavouerait pas la baronne. M. Catulle Mendès — cet Onan de la littérature, ce Charlot qui s’amuse peut-être, mais qui ennuie toute une génération — avait débuté par la poésie. En mesurant la longueur de ses cheveux impeignés, en admirant la crasse de ses paletots de bohème, il s’était dit sans doute qu’il ne ferait pas trop méchante figure comme poète, car les poètes se reconnaissaient alors à leur mauvaise tenue, et plus leur linge était sale et puant, plus leurs vers devaient étinceler et sentir bon. Mais les vers ne se vendaient pas. Il avait beau les orner de son portrait gravé à l’eau-forte — il eût peut-être mieux valu qu’il le lavât à l’eau pure — les volumes pourrissaient aux devantures des libraires. Aucun ne les achetait. Il essaya du roman et tâta du théâtre, partout il eut des insuccès et ne recueillit que des fours.

C’est alors qu’avec son flair de juif, il se lança dans la cochonnerie et qu’il ouvrit, dans le livre et dans le journal, une véritable maison de passe. Il avait trouvé sa voie, ce Rabagas des alcôves ardentes et des lits banals. L’obscénité était sa carrière. Il réussit tout de suite. Depuis, pas un auteur n’est aussi populaire que lui parmi les filles et les collégiens. Les filles ont ses œuvres complètes entre des jeux de cartes transparentes et des photographies obscènes. Il est reconnu que rien ne rallume les flammes éteintes des vieillards comme un bon Catulle Mendès appliqué à l’endroit qu’il faut, et quant aux collégiens, ils s’en vont en des