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brillent dans l’ombre. C’est le lion qui rôde et qui a faim. Il va s’élancer sur les malheureuses femmes, quand un cavalier arabe, splendidement vêtu, arrive, descend de cheval, et, par des gestes farouches, fait reculer le roi du désert, qui se couche, rampe et, vaincu, vient lécher les pieds du cavalier. Ce cavalier, vous l’avez reconnu, c’est Richepin. Je passe sur mille péripéties émouvantes : la scène des deux femmes, ou trois, car l’épouse est partie aussi à la recherche du mari… Vous comprenez, je synthétise dans ces deux rôles la lutte du bien et du mal et j’ai trouvé des effets admirables… Enfin, au troisième acte, Richepin, devenu quelque chose comme le Mahdi, a soulevé tous les musulmans contre sa patrie. Il meurt tué, dans une bataille, par Ponchon, devenu capitaine de chasseurs d’Afrique et chez qui le patriotisme l’emporte sur l’amitié. Vous voyez le tableau d’ici : Richepin sur un monceau de cadavres ; à ses pieds, la femme en noir, poignard dans le cœur… et près d’elle, pleurant, Mme Guérard et M. Fernand Xau ; Ponchon, dans le fond, agitant le drapeau tricolore et criant : « Vive la France ! » et enfin, comme apothéose, l’épouse montant au ciel, soutenue par l’Espérance et la Résignation, aux ailes déployées…

Personne ne s’étonna, ni ne s’indigna. On résuma l’aventure par l’indulgente et boulevardière formule avec laquelle on résume tous les puffismes et les calembredaines de ce temps : «