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la société ne peut ou ne veut leur donner. Et ils trouvent, dans le crime, le morceau de pain et la part de bonheur, que tout homme, ici-bas, a le droit de rêver. La scission est faite, mais à qui la faute ?

Et encore, en y regardant de près, on ne saisit pas exactement la différence morale qui sépare des honnêtes gens, des gens réguliers que nous respectons et à qui nous pardonnons tout, ces vagabonds du meurtre, ces industriels du vice dont l’ignominie nous révolte et nous dégoûte tant : les mêmes désirs, les mêmes passions, et presque les mêmes actes se répètent des profondeurs où ils grouillent aux sommets où resplendit l’élite humaine. Il n’y a que le décor qui change.

Quand on lit un livre comme celui de M. Édouard Conte, quand on assiste, comme il nous y fait assister, à toutes les malpropretés par quoi se cuisine l’amour dans les agences de mariage, malpropretés d’ailleurs pareilles à celles qui président, dans les bonnes familles bourgeoises, à l’union de deux cœurs respectables, nous devrions être moins fiers de nous-mêmes, et montrer un peu plus de pitié pour les déchus de la vie.