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vement, parmi les jeunes poètes et les peintres aux tendances différentes. Certes, il devait s’être fait sur la société, des conceptions particulières d’une aristocratique et libre philosophie, comme il en avait sur la littérature et sur l’art. C’était son droit, il me semble. Cela ne regarde personne, et le procureur général lui-même n’a pas à en connaître, puisqu’elles ne sont imprimées nulle part. Même, dans ce temps, où l’on est décidé à violer toutes les pudeurs ; à répudier toutes les générosités, à effacer de notre vie sociale les nobles coutumes que nous avions héritées des ancêtres jusqu’à faire un crime de cet admirable droit d’asile, resté intact et respecté des brutes humaines aux époques les plus farouches et les plus sanguinaires de l’histoire, comment frapper d’une peine quelconque la pensée qui ne s’exprime pas ?

Alors que reproche-t-on à Fénéon ?

Le jour qu’il fut question d’expulser de France Alexandre Cohen, lequel déplaisait lui aussi, à son concierge, M. Émile Zola, cédant aux sollicitations de quelques amis alla trouver M. Raynal. Il lui a demandé les raisons qui le déterminaient à un pareil acte de violence. M. Raynal n’en avait pas. Il balbutia quelques vagues potins. Poussé par M. Zola qui ne cessait de lui répéter : « Donnez-moi une raison, n’importe laquelle, et je m’en contenterai », M. Raynal, très embarrassé, finit par dire : « Il paraît que c’est un espion allemand. »

Lorsque l’on n’a rien à dire de quelqu’un,