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rimes délicates et de musiques inventives le tourment d’une âme atteinte de l’inguérissable poison des méthaphysiques et des philosophies. Son ironie a quelquefois l’émoi d’un sanglot.

Les Chauves-Souris, c’est l’évocation du nocturne dans la nature et dans l’âme. M. de Montesquiou a vraiment le sens de la nuit au double point de vue de l’interprétation picturale et psychique. Il nous en montre les clartés, les pénombres et les ténèbres, les effrois et les rêves reposants ; il nous en dit tous les chants, toutes les ivresses, toutes les plaintes, tout le silence, et il les transpose de la nature à l’humanité. Toute l’histoire de l’homme, depuis Sardanapale jusqu’au roi Louis de Bavière, tient dans le vol d’une chauve-souris. La chauve-souris est un animal inquiétant, hybride, monstrueux, désorbité et repoussé des oiseaux qui lui veulent des plumes, et des fauves qui la voient s’envoler. Et elle va, sans cesse, des ténèbres à la lumière, de la clarté qui la tue à l’ombre où elle s’affole, dans un vol éternel de douleur. Ainsi de Sardanapale et de Louis de Bavière, notoires chauves-souris humaines, et dont les nocturnes silhouettes se découpent sur des fonds d’astres éblouissants qui sont Chopin, Wagner, Whistler. Tel est le sens du livre de M. de Montesquiou. Le plan s’en déroule, conformément à cette idée générale, à travers mille aventures et mille fantaisies. C’est du moins, ce que, dans un récent