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constater —, c’est que, seul, M. Jules Huret a montré de l’esprit. Au rebours des quarante académiciens qui avaient de l’esprit comme quatre, M. Jules Huret, à lui seul, a eu plus d’esprit que ses soixante-quatre interviewés, un esprit très fin, très discret, d’une ironie charmante et vive. Comme toutes ces physionomies diverses sont restituées dans leur intégralité et profonde réalité ! Comme elles s’agitent dans leur intime atmosphère morale, comme elles vivent ! On les voit et on les entend. Trois ou quatre vous demeurent sympathiques ; elles n’ont rien perdu à ce déballage familier. Mais les autres, mais toutes les autres… Avec une adresse qui sait s’effacer, au moyen d’interrogations insidieuses et polies qui n’ont l’air de rien, M. Jules Huret oblige chacun à se révéler tout entier, à montrer ce qu’il y a en lui, sous le maquillage des faux sentiments et des grandes idées, de grotesque, de ridicule, de grimaçant. Il force les confidences, extirpe les bas aveux, il apprivoise les inoubliables rancunes. C’est délicieusement fait, sans lourdeur, avec une légèreté, une sûreté de main qui étonne et ravit. Il s’est trouvé que le petit reporter, qu’on attendait, pareil aux autres, un petit reporter avec lequel il n’y avait pas à se gêner, il s’est trouvé que ce petit reporter était un observateur aigu, dangereux et fidèle, et qu’il était aussi le plus habile homme du monde à faire jouer tous les ressorts de la vanité, chez ces