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silence de M. Léon Hennique* et de M. Jean Richepin*, ces Conrarts bien avisés et prévoyants. Eh bien, non, il paraît que, malgré le châtiment de cet expiatoire volume, ceux parmi les écrivains que M. Jules Huret dédaigna, négligea, oublia de consulter, au lieu de le bénir à jamais, lui gardent des rancunes immortelles. Il paraît qu’ils furent innombrables et obsédants ceux qui vinrent d’eux-mêmes s’offrir au ridicule : « Écoutez-moi, je vous promets que je serai encore plus ridicule que les autres. J’ai des insultes, des calomnies, des infamies, que vous ne soupçonnez pas. Écoutez-moi. » Et ils suppliaient. Oh ! comme il a dû rire, M. Jules Huret, comme il doit rire encore, comme il devra rire longtemps ! Et quelle initiation soudaine, imprévue — car il est très jeune, et c’était, avant son enquête, un jeune plein de foi —, quelle soudaine, imprévue et désenchantante initiation, à cet absurde, à ce malfaisant métier de poète où nul ne s’entend, où tout le monde se déchire, où l’on se jette à la tête, ainsi que de vulgaires vaisselles, les éditions, les tirages, les lunes, les soleils, les paradis et les infinis, torchés de boue. Si j’étais M. Jules Huret et que, comme lui, j’eusse vu de près ces regards avides, ces bouches mauvaises, ces mains crochues, et que j’eusse, comme lui, respiré l’haleine fétide de ces âmes de bile, il me semble que, dès le cinquième escalier, saisi de dégoût, j’aurais pris la fuite vers les champs de silence, et que j’aurais fait