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poète et un artiste ; enfin il manquait d’enthousiasme envers Henri Regnault, disant qu’une balle est incapable, si prussienne soit-elle, de donner du génie à qui n’en a pas: trois sacrilèges dans la liturgie patriotique.

L’article fit du bruit. On le discuta, on le dénatura, on le dénonça, car la presse, ainsi entendue, est une belle institution et elle a d’admirables mœurs intellectuelles. Quelqu’un, que je ne puis nommer — car il est anonyme comme une foule — et qui n’avait pas lu l’article — car quand donc ce quelqu’un aurait-il le temps de lire quoi que ce soit ? — et qui n’en parla que par ouï-dire, mit dans l’attaque une passion spéciale, une haine à part, se permit des insinuations perfides et coutumières. À l’entendre, on aurait pu croire que M. de Gourmont — ce catholique — était un anarchiste dangereux, venu d’on ne sait quels enfers sociaux, pour dynamiter Paris et faire sauter la France. Peut-être même le croyait-il. M. de Gourmont fut fort étonné de tout le tapage qu’il avait soulevé. C’était la première fois qu’il entrait en lutte avec la grande presse, il ignorait ses ressources de polémique. Il en eut de la stupéfaction et de la tristesse, et dédaigna de répondre. D’autres travaux, qu’il aime, le requéraient, et dans le silence de son labeur, il oublia cet article et la clameur de réprobation inattendue qui l’avait accueilli. Mais l’administration ne l’oubliait pas. Inquiétée et mise en demeure de sévir contre