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il faut avoir, par devers soi, une autorité que Le Petit Margemont, malgré le grand souffle dont il témoigne, est insuffisant à concéder. Je ne voudrais pas décourager M. de Bonnières, et moins encore lui causer de la peine ; mais je crains bien que ses livres, de plus en plus courts et improbables, même étayés du préventif et psychologique enthousiasme de M. André Maurel, des dédaigneux et froids éloges de M. Maurice Barrès, d’une situation mondaine fragile comme la beauté d’une femme, ne puissent de longtemps lui conquérir cette nécessaire autorité. M. Edmond de Goncourt a donc le droit de sourire à ces attaques et, du haut de ses œuvres, debout sur le large et solide piédestal qu’elles ont élevé à sa gloire, de regarder en bas, d’un œil amusé et paternel, M. Robert de Bonnières, mélancoliquement assis sur Jeanne Avril et Le Petit Margemont, tenter de lui tirer la barbe avec des gestes qui n’atteignent même pas au soubassement du dur et durable granit. Mais en a-t-il souci ?

Nous avons de la noble figure de M. de Goncourt, par son journal, une restitution morale complète et très émouvante. Sincère envers les hommes, sincère envers les choses, il est envers soi-même d’une sincérité poussée jusqu’au scrupule, jusqu’à la minutie d’un scrupule. Et c’est par là surtout que ce Journal me prend. M. de Goncourt ne cherche pas à s’embellir, à