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d’éducation, de parti politique et dont la réunion correspondait assez à l’idée, très vague d’ailleurs, que l’on se fait de cette chimère : l’opinion publique. Je n’en reçus aucun éclaircissement. Ce qui ressortit clairement de cette enquête, ce fut l’absolue indifférence où étaient toutes ces personnes à ce que les peintres exposassent leurs toiles ou ne les exposassent pas à Berlin. À mes interrogations formelles et précises, aucune n’exprima un avis favorable ou défavorable sur cette passionnante question d’État, que toutes envisageaient comme une affaire d’ordre privé, de convenance personnelle et dont on n’avait pas le droit de se mêler.

— Cependant, insistai-je, si je ne me trompe, vous êtes bien ce qu’on appelle l’opinion publique ? Et vous ne devez pas ignorer que vous vous êtes énergiquement prononcées contre l’envoi des tableaux en Allemagne.

— Ah ! par exemple, s’écrièrent-elles stupéfaites, et en chœur, voilà du nouveau… Mais les peintres peuvent bien exposer au diable si ça les amuse. Cela ne nous regarde pas.

Pourtant, l’un de ces fragments d’opinion publique voulut bien se montrer plus explicite ; et comme il a la réputation d’un grand sage, je note, ici, sa réponse :

— J’aurais été bien étonné, me dit-il, si les peintres n’avaient pas fini par nous attirer quelque désagrément. Ces gens-là ne peuvent rien faire avec simplicité. Il n’y a pas de pires cabotins, ni plus bruyants, ni plus encom-