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de profitable industrie, le capital de la notoriété acquise et pacifiée. Alors, les uns se mettent à placer des vins ou des produits pharmaceutiques ; les autres des romans d’amour, travail épuisant et qui rapporte, ou du moins qui doit rapporter, car la publicité s’établit toute seule, sans avoir besoin de passer par les agences, et les gogos ne manquent pas. M. Déroulède, repentant et dégoûté, avait donc fait un roman d’amour. Mme la duchesse d’Uzès, après ses déboires monarchiques et ses millions perdus, avait annoncé qu’elle en ferait un entre deux hallalis et plusieurs statues de Jeanne d’Arc, et M. Chincholle, escaladant les pures hauteurs métaphysiques, inscrivait des pensées amères et profondes dans le marbre inusable des mots. Favorable augure, méthode charmante, car personne n’est forcé de lire les romans qui ne gênent en rien notre repos et ne contrarient nullement notre liberté, nous étions tranquilles, une fois de plus, nous recommencions à respirer.

Hélas, il faut croire que le « chambardement » a d’impénitents et irrésistibles attraits. M. Déroulède ne tarda pas à se trouver dépaysé dans le platonisme littéraire, à s’ennuyer dans ce dénoûment sentimental, vide d’épopées. Et le voilà qui, plus bruyamment que jamais, se rejette dans les aventures hasardeuses. Ceux qui connaissent M. Déroulède affirment que sa sincérité est complète, son enthousiasme spontané, son honnêteté indiscutable et généreuse. Au point de vue particulier, cela est méritoire assurément, et je le loue de ces