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monde. Mais les écrivains novateurs tinrent bon. Ils déclarèrent, en de mémorables préfaces, où il était question de déterminisme, d’enquête sociale, de sciences naturelles, que non seulement ils continueraient à faire s’aimer menuisiers et blanchisseuses, mais que, si on leur cherchait noise, ils les feraient penser ! Devant cette menace, le scandale s’apaisa peu à peu, et l’on se dit, après tout, que, si improbable que fût l’amour d’une blanchisseuse, c’était encore de l’amour et que cela valait mieux que rien.

Aujourd’hui les critiques ont fini de lutter. Ils acceptent le mouvement, c’est-à-dire qu’ils s’en désintéressent d’une façon absolue, qu’ils ne s’occupent plus que de dîner en ville et de se pousser les uns les autres aux honneurs et aux succès. M. Jules Lemaitre célèbre M. Anatole France ; M. Anatole France célèbre M. Jules Lemaitre, et, dans la Revue des deux mondes, le tendre M. Brunetière, parlant de Voltaire et de M. Faguet, nous montre un tout petit Voltaire et un très grand Faguet. Il va sans dire que M. Faguet rend à M. Brunetière sa politesse. Cela n’en finit plus et nous vaut des volumes presque aussi nombreux que les romans d’amour, où l’on voit, non sans émotion, les critiques se tresser de réciproques couronnes et parler de leur génie avec de touchantes piétés. Entre-temps, ils renaissent. Il est vrai qu’ils tolèrent encore à côté d’eux trois écrivains, non point à cause de leur talent indiscuté et de la beauté de leurs œuvres, mais parce que les deux