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— Il n’était heureux qu’ici, avec nous autres… Il ne se plaisait que dans sa petite maison… termina l’homme important… Et c’était un ennui pour lui, quand il était obligé d’aller à Paris pour son cours… Aussi revenait-il dare-dare… Ce pauvre M. Caro… Je ne sais pas comment il était vu à Paris… Les Parisiens sont de si drôles de gens… Mais ici, chez nous, il n’a laissé que des regrets et que des souvenirs qui ne sont pas près de s’éteindre.

À mesure que l’homme parlait, la petite maison s’éclairait, pour moi, d’une lumière nouvelle, infiniment douce et pure, et un Caro nouveau, transfiguré et magnifique, s’y révélait peu à peu, un Caro épuré, amplifié, sublimé par la nature, un Caro héroïque et solitaire, résigné aux calomnies des méchants.

— Oui, c’est bien cela, me dis-je… Maintenant, grâce à cette petite maison qui ne peut mentir, je le vois tel qu’il était réellement… un saint… Ah ! comme je le vois… Et quelle affreuse tristesse que la vie… Tous les hommes et les choses y sont à l’envers de la vérité. Qui sait ? … Don Juan était peut-être un chaste.

Après m’être indigné contre le mensonge des légendes, je rentrai chez moi en proie à des pensées d’une générosité excessive et l’esprit tout plein de projets de réhabilitation grandioses et vagues.

Le soir même, sous le coup de l’émotion, j’écrivis « La Maison du philosophe » . À chaque