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morales qu’il comporte, quand ils voudront évoquer la figure du professeur galant qui charma les belles femmes en mal de philosophie amoureuse, figure qui n’apparaissait jadis que sur des fonds d’opulentes peluches et de spiritualistes épaules, dans les salons les plus notoires de Paris.

Je vois très bien un bachelier du vingtième siècle répondant à un examinateur qui lui posera cette question : « Que savez-vous de Caro ? » . Le bachelier dira : « Caro (Marie-Elme), né à Poitiers, paysan français. Il était coiffé d’une casquette en peau de lapin, cultivait des betteraves, et braconnait les anguilles dans la rivière d’Eure. »

Les lecteurs du Figaro se souviennent peut-être d’un article que je publiai ici même, il y a juste un an, et qui était intitulé « La Maison du philosophe » . J’insinue ce timide « peut-être » car l’article était, paraît-il fort attendrissant. Je l’appris plus tard d’une vieille dame très sensible, qui en avait été très émue. Mais qu’on me permette de commencer par le commencement et de raconter l’histoire en ses touchants détails.

Un jour, je me promenais aux Damps, village pittoresquement situé à l’embouchure de l’Eure. Un homme important du pays m’accompagnait. Comme nous passions sur la berge, devant une petite maison enfoncée dans