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n’est qu’une affaire d’intelligence ; une affaire d’âme aussi, non pas d’âme sœur de la sienne, mais d’âme qui a senti quelquefois comme la sienne. Alors ce livre s’illumine et nous illumine de clartés éblouissantes. Et l’on n’est plus étonné que de ceci : c’est de n’avoir pas su soi-même, tant elles paraissent familières et simples, donner à ces pensées, à ces visions, à ces sensations, la forme inattendue et lumineuse, et délicieuse suprêmement, qu’elles revêtent, sans cesse, sous la plume de ce sensitif vibrant qui est, en même temps, un merveilleux et unique artiste.

Je voudrais pouvoir citer, pour la joie d’un lecteur lointain et inconnu, beaucoup de poèmes de ces Serres chaudes, car l’impression de trouble et de délices où ils laissent l’esprit se ressent mieux qu’elle ne s’exprime en vaines phrases. « L’Hôpital », où la réalité est décrite, évoquée, ressuscitée — avec quel mystère, avec quelle précision mélancolique et tragique — par les cauchemars vagabonds d’un malade ; ou bien cet autre poème, « Cloche à plongeur », qui est, en ses analogies choisies et douloureuses, le plus poignant cri de désespérance de l’homme enfermé dans la prison de sa matérialité, alors qu’autour de lui passent les rêves qu’il n’atteindra jamais. Malheureusement je n’ai pas la place qu’il me faudrait. C’est surtout dans « Regards » que le talent de M. Maeterlinck se présente le mieux avec tous ses caractères