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becs de gaz des herses à la place des étoiles dont ses yeux étaient pleins.

Il ne me déplaît pas qu’un homme se mette au-dessus des routines, des préjugés, des lois même, qu’il entre hardiment, les poings tendus, dans la révolte humaine, douloureux et sincère, qu’il crie à Dieu ses souffrances et ses doutes. Alfred de Musset l’a fait :mais, chez Alfred de Musset, ses malédictions sont pleines d’amour, ses blasphèmes pleins de croyances ; son orgueil, qui n’est que le cri momentané de l’âme inquiète et blessée, s’abat devant la toute-puissance de Dieu. Mais Jean Richepin, il continue avec Dieu la bonne farce qu’il a commencée envers les hommes, et il se croit obligé de se montrer à lui, comme il s’est montré à eux, en habit de comédien. Ses Blasphèmes sont la continuation de Nana-Sahib. Il prend Dieu pour un bourgeois qui a payé sa place au théâtre et il veut l’étonner. Il n’étonne personne, car ses Blasphèmes manquent de bravoure. Ils n’ont même pas cette crânerie malsaine de l’homme qui se dégrade devant des hommes, s’expose volontairement aux sifflets et aux pommes cuites. M. Richepin savait bien que Dieu ne le sifflerait pas.

Insulter Dieu en ce temps, où le blasphème est partout étalé, où il émarge au budget, où il trône en habits officiels sur les bancs du gouvernement, où il est devenu le credo des ministres et la religion des foules, où on le voit, ricanant la bouche tordue, sur les affiches, au