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Et il me citait, comme on boit un vin délicat, ces vers de l’admirable Hérodiade :

… Ô miroir

Eau froide, par l’ennui dans ton cadre gelée…

M. de B… ne tarissait pas sur l’étonnante, sur l’insurpassable magnificence de Flaubert, qu’il mettait bien au-dessus de Goethe.

— J’ai rêvé pour la France, me dit-il… Et ce rêve, je pense, ne vous désobligera pas, car vous avez une propension à déifier toute espèce de gens… Alexandre Dumas n’est-il pas, chez vous, une sorte de Dieu ? … J’ai donc rêvé ceci. Une salle, au Louvre par exemple, ou dans quelqu’un de vos plus beaux édifices… Dans cette salle, un lutrin, et, sur ce lutrin, un livre toujours ouvert : La Tentation de saint Antoine.

— Hélas ! soupirai-je, vous ne connaissez pas la France. Nous déifions, cela est certain… Mais sur l’autel même où nous érigeons l’image du dieu, nous servons des bocks aux fidèles. Il y a des divinités à qui cet accompagnement va très bien. Si votre rêve se réalisait, mon cher Allemand, au bout de quinze jours la salle serait affermée à un impresario quelconque, qui la transformerait en café-concert. Paulus viendrait y chanter ses « dernières créations », et sur les marges mêmes du livre s’étaleraient les réclames du chocolat Géraudel.

Les Goncourt aussi le ravissaient pour leur sensibilité créatrice sur-aiguisée jusqu’à la maladie, jusqu’à la souffrance ; pour leurs révoltes