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X…, l’éminent romancier, dont le dernier livre en est à la soixantième édition, vient de perdre son père. C’est un deuil pour … »

Vous daignerez, de temps en temps, écrire un article de journal. Vous n’y parlerez que de vous.

On vous demandera des préfaces, pour des œuvres de débutants. Vous n’y parlerez que de vous.

Il est d’usage aujourd’hui, lorsqu’arrive un événement quelconque, d’aller recueillir, à domicile, l’opinion des gens que cela ne regarde pas et qui n’ont point d’opinion. Vous n’y parlerez que de vous.

À toute heure, dans n’importe quelles circonstances, devant n’importe qui, vous ne parlerez que de vous.

Mais c’est dans la grande interview que vous triompherez. Après avoir étalé modestement l’étendue de vos relations, la distinction de vos amitiés, vous exposerez votre doctrine d’art. Vous établirez que vous n’écrivez pas, mais que vous vivisectez. Vous vivisectez les âmes, vous vivisectez les paysages, vous vivisectez tout. Les hommes, les femmes, les enfants, ce n’est pas autre chose, pour vous, que des planches… des planches d’anatomie morale… Vous montrerez votre plume, qui est un scalpel, votre encrier qui est un creuset, votre veste de travail un tablier d’amphithéâtre, votre cabinet un laboratoire, votre lorgnon un microscope. Vous direz : « Avez-vous lu mon dernier écorché ? » Ou