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pays — landau très élégant, avec un cocher très correct —, car il faut que votre personnalité soit sans cesse, même dans les contrées les plus extravagantes, bien encadrée de richesses et de décorum. Durant le cours de ces voyages, non seulement vous entasserez des documents, écrirez des livres, mais vous accomplirez des actions imprévues et méritoires.

Ainsi, dans l’Engadine, ce sera du meilleur effet que vous fassiez raconter, avec angoisse, vos victoires sur les ours que vous tuerez à coup de fusil anglais, incrusté d’or pâle, en même temps que les échos ne tariront pas d’éloges sur la suprême élégance des smoking-jackets dont vous éblouirez, le soir, les drawing-rooms montagnards. Vos entretiens avec les personnages célèbres que vous avez ou non rencontrés seront longuement commentés. Il va de soi que les personnages célèbres auront été impressionnés étonnamment par la profondeur de votre savoir et l’originalité de vos concepts.

Vous tutoierez votre éditeur, car cela le flatte, et vous prendrez sur lui un empire absolu, de façon à ce qu’il ne s’intéresse qu’aux auteurs choisis par vous et dont vous ne redoutez pas la concurrence, et qu’il étouffe, de votre mieux, ceux-là dont les promesses d’avenir pourraient vous gêner.

Pour un « véritable écrivain », la mort d’un parent aimé est une excellente aubaine. Elle fournit l’occasion d’entrefilets ainsi conçus : «