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me défendre de ces tristes rapprochements, de ces mystérieuses analogies.

En sa qualité d’inspecteur des Beaux-Arts, M. Roger Ballu fut chargé, je ne sais plus à quelle occasion, de rédiger un rapport sur Auguste Rodin, notre grand sculpteur, car non seulement ils inspectent, ces inspecteurs, mais ils rédigent aussi. Ils rédigent, le diable sait quoi … Auguste Rodin n’était alors connu que de quelques amis. Son nom, chanté dans de petites revues qui ne sont lues exclusivement que par ceux qui les font, n’avait point franchi les portes sacrées de la grande presse. Il n’y avait point, sur son art, d’opinion courante, de jugement tout fait, de guide-âne, à l’usage des inspecteurs des Beaux-Arts, les grands critiques l’ignorant aussi complètement que possible. Sur M. Cabanel, M. Falguière et M. Bonnat, les opinions ne manquaient pas, et des plus différentes ; M. Roger Ballu n’aurait eu que l’embarras du choix. Mais il s’agissait spécialement d’Auguste Rodin et de nul autre. Là, gisait la difficulté. Pas l’ombre, nulle part, d’une opinion exprimée — j’entends une opinion honnête et considérable, une opinion tirée à plusieurs millions d’exemplaires. M. Roger Ballu se trouva fort gêné, car il a la conscience droite, et puis il voulait émettre une opinion juste, administrative et bureaucratiquement motivée. Son instinct le guida, j’ose dire qu’il le sauva. Il nia Rodin ; il le nia de fond en comble. Avec un même