et désopilantes mutilations, et c’est aussi l’amusant défilé des tombereaux plein de blessés, le carnaval joyeux des ambulances, d’où partent la verve endiablée des râles et les répliques farces des agonies.
À chaque ligne, le rire court, grandit, explosionne. Il s’allume aux percuteurs des obus, aux fusées des gargousses, aux fils conducteurs des torpilles, aux mèches enflammées des mines, aux jovialités discrètes et profondes des fusils Lebel. Un moment on ne distingue plus les éclats de rire des éclats de bombes. Ils se confondent en une gaîté énorme et charmante qui séduit et réconforte à la fois. Alors cela devient du délire, de l’ivresse, on ne sait quoi de fort, de savoureux qui vous titille le palais, vous dilate le cerveau, vous caresse le ventre, délicieusement. Si l’on n’avait pas la perspective de mourir d’une mort prochaine, mille fois plus gaie, écrabouillé par de la mélinite, réduit en boue sanglante par des projectiles jubilatoires, on voudrait mourir de rire.
Le rare de l’aventure, ce qui en fait l’original mérite, et aussi ce dont les critiques louent chaleureusement l’auteur, c’est que, contrairement aux écrivains « raseurs » qui ont parlé de la guerre d’une façon plutôt triste, avec de sottes défiances et des pitiés surannées, le capitaine Driant a semé, lui, au cours de son ouvrage, une gaîté franche, large, inaltérée, une gaîté irréprochable, qui ne verse jamais dans l’ironie — ce qui eût été de mauvais ton