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ces hommes sont mis debout, analysés et révélés par le dedans, décrits et montrés par le dehors, reproduits à la tête du mouvement social dont ils sont les chefs, érigés, avant leurs exemplaires, un et plusieurs, individus et foule, en des tableaux qui, basés sur une analyse scientifique nécessitant le recours à tout l’édifice des sciences vitales, et sur une synthèse qui suppose l’aide de toute la méthode historique et littéraire moderne, peuvent passer pour la condensation la plus haute de notions anthropologiques que l’on puisse accomplir aujourd’hui. »

Voilà ce qu’Émile Hennequin eût fait pour notre temps. Hélas, c’est la mort qui est venue.

Depuis trois ans, Hennequin collaborait au Temps. Il y rédigeait le bulletin politique, avec une rectitude de jugement, avec une connaissance approfondie de la politique européenne, qu’eussent enviées les meilleurs diplomates ; car ses aptitudes étaient universelles. Et combien de fois j’ai vu nos meilleurs hommes d’État s’inspirer de ses opinions. Dans ce milieu un peu froid, un peu guindé, si peu conforme à l’indépendance de son esprit et aux générosités de la nature, il avait pourtant conquis l’estime et le respect de tout le monde. Étant pauvre, il avait accepté cette situation avec joie, car elle le faisait vivre, lui et sa famille ;