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mécanisme cérébral, soit une condition définie de l’ensemble social dans lequel elle est née, à expliquer par des lois historiques ou organiques les idées qu’elle exprime et les émotions qu’elle suscite.

« Rien de moins semblable que l’examen d’un poème en vue de le trouver bon ou mauvais, besogne presque judiciaire et communication confidentielle qui consiste, en beaucoup de périphrases, à porter des arrêts et à avouer des préférences, ou l’analyse de ce poème, en quête de renseignements esthétiques, psychologiques, sociologiques, travail de science pure, où l’on s’applique à démêler des causes sous des faits, des lois sous des phénomènes, étudiés sans partialité et sans choix. »

J’ai tenu à reproduire ce passage, inscrit en l’avant-propos de son ouvrage, parce qu’il résume la théorie d’Émile Hennequin en matière de critique, et qu’il définit clairement cette méthode hardie et vaste qu’il applique avec une facilité surprenante à l’étude d’hommes comme Victor Hugo, Wagner, Flaubert, Tolstoï, Dickens. Il avait donc élargi jusqu’à la science, reculé jusqu’à la création le champ rétréci de la critique, où ne poussent que les petites rancunes, les petites intrigues, les pires ignorances. Mais il est à craindre que ce bel exemple dont Hennequin avait été l’initiateur ne soit pas suivi. Les cerveaux et les caractères de cette trempe sont rares. Pour une semblable besogne, il faut une éducation philosophique, une force