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modèle de toutes les vertus chevaleresques et intimes, les ridicules fantoches, les grossiers mannequins, les rudimentaires poupées de M. Alexandre Dumas père : Porthos qui fut un goinfre et un proxénète ; Athos qui fut un sombre ivrogne ; Aramis, un espion, dont toute l’ambition et toute la science de l’intrigue consistaient à posséder des fanfreluches à la garde de son épée ; d’Artagnan ce hâbleur qui fut une sorte de Tartarin, moins gai, moins ironique, moins vivant, plus méridional que l’autre, et enfin, pour me borner dans l’énumération de ces personnages gonflés de son, Bussy d’Amboise qui tuait soixante-quinze hommes armés d’arquebuses et de poignards, avec une chaise en trois minutes.

Mais cette opinion très ébouriffante n’est point spéciale à M. Hector Pessard qui la reformula l’autre jour, en un feuilleton de critique dramatique. Ce feuilleton était même, si je me rappelle bien, le début littéraire de ce penseur vieilli dans les accoutumances ministérielles et bercé sur les genoux de M. Thiers et de M. Clément Duvernois. Tous les critiques qui se respectent un peu prêchent de temps à autre cette croisade sainte. Ils nous apprennent que le niveau de la moralité publique et de l’intelligence humaine baisse effroyablement depuis qu’Alexandre Dumas est mort, depuis que le roman qui contient quelque chose a fait disparaître le roman qui ne contenait rien du tout. Telle est la critique, notre bien-aimée mère. En face de Sapho, de Germinie Lacerteux, de