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suranné dissimule mal les ridicules et les puérilités, et c’est tout. Ni une générosité, ni une bravoure et l’instinctive horreur du vrai, du simple, du vivant et la peur du nouveau. Jamais il ne s’intéressa spontanément à un jeune talent. Il fallait pour qu’il parlât des écrivains, que ceux-ci fussent morts depuis deux siècles ou qu’ils lui arrivassent vieillis de succès. Baudelaire, les Goncourt qui furent ses protégés et amis, durent attendre dix années de durs labeurs, de luttes pénibles, de doutes angoissants, avant que Sainte-Beuve daignât faire comprendre au public qu’il les connaissait. Et l’on se demande avec tristesse si l’auteur des Lundis, par les résultats de son influence et de ses jugements, fut véritablement supérieur à M. Francisque Sarcey et à M. de Pontmartin.

Quant à Paul de Saint-Victor, ça n’a été qu’un bruit, un bruit cacophonique et discordant de mots, dans une mascarade de phrases. Quelqu’un a dit de lui : « C’est un clairon dont la sottise déchire le cuivre » . S’il avait pu n’être qu’un clairon… Mais c’était tout un orchestre ! Et quel orchestre ! Un orchestre enragé et hurlant, comme on entend dans l’Inde du Sud, au seuil des temples bouddhiques. Et, sous les retentissements des gongs, sous les miaulements de rebecs, sous les éternuements de cymbales fêlées de ses phrases, l’esprit le plus étriqué qui fût, une vision bornée de professeur, une esthétique de Prix de Rome, un asservissement