Parfois ce n’est qu’un trait, un contour, ou bien un enveloppement de la ligne, ou bien un jet de lumière vive sur une plaque d’ombre, et voilà un homme déshabillé des pieds à la tête. Et nous nous disons : « Quoi, ce n’était que cela ! » Tel est, dans ce genre d’évocation rapide, Nestor Roqueplan, surpris, un matin, dans sa chambre. On le voit, on le connaît, on l’a percé à jour, ce compliqué, ce raffiné, ce Parisien redoutable, si fort vanté pour son esprit qui ne s’éleva pas au-dessus de la muflerie parodiste d’un aphorisme retourné, pour son élégance de vieux beau caricatural, qui consistait à porter des chapeaux sans bords et des gilets en velours d’Utrecht. Mais je ne veux pas m’attarder, bien que très amusants, à ces croquis de fantoches disparus.
De ce fourmillement de gloire de pantins, de héros et de polichinelles, trois figures émergent qui repassent sans cesse ; à peine quittées d’un côté pour être reprises de l’autre, et revenant, chaque fois plus riches d’un détail caractéristique, d’un accent qui les achève, d’un angle qui les parfait, toutes les trois différentes d’aspect et de célébrité presque égale :Sainte-Beuve, Théophile Gautier, Paul de Saint-Victor. Notre génération les connaît encore, la génération qui vient les connaîtra plus par les anecdotes qui se transmettent des vieux aux jeunes que par leurs livres, car on ne les lira guère. Ils ne sont déjà plus de notre temps. Ont-ils été du leur ? Quand on secoue sur eux