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son rêve, il passe, sans s’arrêter, devant ces hurlantes baraques, élevées à tous les carrefours, où chacun peut se payer de la gloire en pain d’épices, comme on va, dans les offices spéciaux, s’acheter de l’honneur en ruban.

Je faisais ces réflexions en lisant le Journal des Goncourt, livre curieux, toujours, souvent poignant, comme la confession d’un ami, désenchantant aussi, comme un voile qui se déchire sur des intimités imprévues — trop tôt révélées peut-être — enfin, tel quel, en son décousu, en son déshabillé irrévérencieux de la vie notée à la hâte, un maître livre, où l’on sent vibrer à chaque ligne l’âme des deux nobles artistes qui le vécurent et qui l’écrivirent. Il y a bien des nerfs dans ce livre, bien des sensibilités exacerbées ; il y a un perpétuel lancinement d’une blessure qui saigne encore, blessure causée par la longue et bête indifférence où on les tint ; il y a, perçant les fiers mépris, une aspiration irritée, et, pour ainsi dire, maladive vers le succès — qu’ils avouent, d’ailleurs, avec une sincérité touchante et mâle. Par conséquent, il est impossible qu’il ne glisse pas, çà et là, d’involontaires partis pris et — M. Edmond de Goncourt me pardonnera cette franchise — quelques fâcheuses injustices. Cette injustice, je la trouve surtout dans plusieurs passages du Journal se rapportant à [[Auteur:Gustave Flaubert|Gustave