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— N’avez-vous pas inventé aussi une espèce de religion ? demandai-je.

— C’est parfaitement exact… Bouddha… le Christ… Mahomet… Melchior de Voguë… telle est la filiation. J’en suis même un peu le Dieu de cette religion… et j’ai aussi des adorants… MM. Maurice Pujo, Henry Bérenger, Desjardins… S’ils ne sont pas nombreux, ils sont de qualité et pleins d’ardente jeunesse…

— Ne pourriez-vous pas m’expliquer, dans ses grandes lignes, votre religion ?

— On n’explique pas les religions, monsieur… On les invente. Et puis après, elles s’arrangent, comme elles peuvent… La vérité, c’est que j’ai inventé cette religion pour la jeunesse…

Oui, un jour, j’ai découvert que la jeunesse avait besoin d’une religion… Mais si vous voulez avoir quelques renseignements particuliers, lisez l’Art et la Vie. C’est une petite revue fort ennuyeuse, qui est toute imprégnée de ma pensée, et qui organise les expositions des Peintres de l’âme. Elle est fort documentée sur l’idéal. Elle seule sait ce que c’est que l’idéal… Mais elle ne le dit pas… Il ne faut jamais dire ce que l’on sait, et ne jamais savoir ce que l’on dit… Le sublime est à ce prix…

— J’ai encore deux question à vous poser, monsieur le vicomte… Votre rôle à l’Académie ?

— Mon rôle à l’Académie est d’y avoir été élu… Comme ancien diplomate, homme politique futur, vicomte authentique et pénible écrivain…